Lettre du Cabinet d’Avocat – Septembre / Octobre 2023

Madame, Monsieur le Président,

 
Madame, Monsieur le Maire,
 
Nous vous souhaitons une bonne lecture de la Lettre du Cabinet

 

Loi reconstruction : des mesures d’application décevantes

L’essentiel :

La loi « reconstruction » du 25 juillet 2023 annonçait la publication d’ordonnances pour son application. C’est chose faite.


A la suite des émeutes de juin-juillet dernier, le Gouvernement s’était empressé de faire voter la loi dite « reconstruction » n° 2023-656 du 25 juillet 2023 qui portait habilitation à prendre trois ordonnances :


– L’une permettant, sur le plan urbanistique, d’accélérer l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme

– L’autre permettant de simplifier le recours aux marchés publics pour les opérations de reconstruction

– La dernière pour faciliter le financement de telles opérations.
 
On retiendra, au bilan, les mesures suivantes.

 

Sur le plan urbanistique (ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023) :
 
Du point de vue du droit de l’urbanisme, l’ordonnance déroge d’abord à l’article L111-15 en permettant la reconstruction à l’identique en toute circonstance, même si un PLU ou un PRR l’interdit.
 

Il est par ailleurs permis aux collectivités, sous réserve de ne pas modifier la destination du bâtiment, de modifier l’existant dans la limite de 5% du gabarit initial, voire au-delà si la modification est motivée par un objectif d’amélioration de la performance énergétique ou par une mise aux normes accessibilité sécurité.

 
Le délai d’instruction de demandes de permis est par ailleurs ramené à un mois et les majorations des délais d’instruction à raison de la consultation d’un organisme tiers sont ramenés à quinze jours.
 
Enfin, lorsque la réalisation des travaux nécessite la réalisation préalable d’une procédure de participation du public, l’autorité compétente peut toujours recourir à la participation par voie électronique.
 
 
Sur le plan commande publique (ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023)

La nécessité de procéder à une publicité est supprimée pour les travaux strictement nécessaire à la reconstruction et à la réfection dont la valeur estimée est inférieure à 1 500 000 € ainsi que pour les lots inférieurs à 1 000 000 € à la condition que le montant total des lots en cause n’excède pas 20 % du montant total de l’opération.

 
Cette disposition, n’exonère toutefois pas de mise en concurrence préalable ; on peine dès lors à savoir quelle procédure suivre précisément…
 
Plus intéressant, l’ordonnance permet de se dispenser de l’obligation d’allotissement et permet de recourir aux marchés de construction réalisation en toutes circonstances.
 
Les possibilités ouvertes par l’ordonnance supposent que la consultation démarre au plus tard le 29 avril 2024.
 
 
Sur le plan du financement (ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023)
 
Sur ce point, le bilan est maigre : outre le déplafonnement des fonds de concours entre EPCI et communes, et le déplafonnement de la participation minimale du maître d’ouvrage (permettant un subventionnement au-delà de 80 %), il est simplement prévu que le remboursement par le FCTVA intervienne l’année d’exécution des dépenses.

 

Information des agents sur les règles essentielles de leurs fonctions

L’essentiel :
Un décret du 30 août 2023 applicable dès le surlendemain impose aux collectivité d’informer les agents territoriaux des informations et règles essentielles de leurs fonctions.

En transposition (presque) tardive d’une directive européenne, le décret n° 2023-845 du 30 août 2023 vient imposer aux collectivités d’informer tous les agents nouvellement recrutés (ou mutés), titulaires ou contractuels, sur un certain nombre d’informations relatives à leur fonction.

Cette obligation s’applique aussi, à leur demande expresse, à tous les agent recrutés antérieurement au 1er septembre 2023.

Les informations concernées, dont on se dispensera de la reprise exhaustive, sont listées à l’article 2 du décret.

Tout au plus est-il utile de rappeler que la communication doit intervenir dans les sept jours de la prise de fonction, du changement de situation de l’agent ou de la demande de communication, par des écrits remis en mains propres ou adressés par LRAR.

Un arrêté du 30 août 2023 (NOR : TFPF2314927A) vient faciliter la tâche des collectivités par la création d’un modèle de document d’information pour les titulaires.
Pour ce qui concerne les contractuels,  l’article 7 du décret précise les éléments à intégrer dans les contrats afin de respecter l’obligation.

Marchés publics successifs ayant le même objet : attention à bien résilier

L’essentiel :

La Cour administrative d’appel de Marseille vient indiquer que la passation de marchés successifs ayant le même objet vaut résiliation automatique du premier marché, avec les risques qu’une telle résiliation emporte.
 

Le cas de figure est connu : un titulaire de marché est défaillant et, pour ne pas retarder la mise en œuvre d’une opération, la collectivité passe immédiatement un nouveau marché en différant la résiliation du marché en cours.

 
La Cour administrative de Marseille (CAA Marseille 25 septembre 2023, n° 22MA00005) vient rappeler qu’en cette matière, la précipitation n’est pas de mise.
 
Elle indique que la passation d’un marché ayant le même objet qu’un premier marché vaut résiliation « implicite » de ce premier marché.
 
La conséquence est drastique : cette résiliation ferme la porte à une résiliation ultérieure pour faute, et, non motivée, empêche la requalification en résiliation pour motif d’intérêt général et est nécessairement fautive.
 
Au total, une telle résiliation nécessairement fautive permet au titulaire évincé de réclamer à la collectivité une indemnité correspondant aux dépenses exposées pour le marché ainsi qu’à l’intégralité de son manque à gagner.
 
Il faut donc, toujours, résilier d’abord, passer le marché de substitution ensuite.

Action en démolition d’un ouvrage public : pas de prescription acquisitive ou extinctive

L’essentiel :
Le Conseil d’Etat vient préciser que l’action en démolition d’un ouvrage public irrégulièrement implanté est imprescriptible.

La question des ouvrages publics mal implantés est particulièrement problématique, a fortiori s’agissant des ouvrages souterrains pour lesquels la tolérance des administrés laisse place, cette dernière décennie, à une position très revendicatrice.

Le cas qu’a eu à juger le Conseil d’Etat ne concernait pas un ouvrage souterrain mais un ouvrage aérien, parfaitement visible, appartenant à ENEDIS.

Les requérants qui subissaient la présence d’un pylone sur leur terrain depuis plus de trente ans, saisissaient le juge administratif d’une demande en démolition.

ENEDIS faisait pour sa part valoir la prescription trentenaire.

La réponse du Conseil d’Etat (CE 27 septembre 2023 n° 466321) est limpide : « Compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions [art. 2227 du code civil] ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. ».

Pour autant, la position des maîtres d’ouvrage publics reste enviable : la démolition est loin d’être automatique, celle-ci ne devant pas porter une atteinte excessive à l’intérêt général, selon une solution maintenant constante.

Dans le cas d’espèce, quoi que la ligne électrique et le pylône soient situés à quatre mètres de l’habitation des requérants, le Conseil d’Etat relève que le coût de l’enfouissement était trop élevé pour envisager une régularisation.

Le dispositif jurisprudentiel confine donc à une expropriation a posteriori, et c’est certainement la raison pour laquelle le Conseil d’Etat refuse de poser de nouvelles barrières à l’action.

Travaux supplémentaires : la garantie du maître d’oeuvre

L’essentiel :
La Cour administrative de Toulouse vient préciser les règles applicables à l’action du maître d’ouvrage public confronté à des travaux supplémentaires contre le maître d’œuvre négligent .

Si la fixation de l’enveloppe budgétaire prévisionnelle de l’opération relève de la compétence du maître d’ouvrage, celle-ci est affinée à la faveur de l’intervention du maître d’œuvre en phase AVP et PRO, en même temps que l’intéressé définit précisément le programme et les modalités techniques de réalisation des travaux.

Lorsque cette définition est défaillante, il est régulier que les entreprises de travaux sollicitent du maître d’ouvrage l’indemnisation de travaux supplémentaires, c’est-à-dire de travaux qui n’étaient pas prévisibles à la date de signature du marché et qui sont nécessaires à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.

Il en est de même lorsque les quantités indiquées dans un marché unitaire sont erronées.
S’il n’est pas possible pour le maître d’ouvrage de contester le droit à créance des entrepreneurs concernés, il est admis de longue date que le maître d’ouvrage puisse se retourner contre le maître d’œuvre négligent.

Dans un arrêt du 27 juin 2023 de la Cour administrative d’appel de Toulouse (CAA Toulouse, 27 juin 2023, n° 20TL02719), le juge administratif rappelle les cas de figure précis où cette action peut être mise en œuvre et l’assiette de celle-ci :

– Lorsque la négligence du maître d’œuvre a conduit à ce qu’il soit nécessaire d’adapter le programme en cours de chantier, pour le seul surcoût induit par le bouleversement du chantier (nécessité de démolition partielle, conséquences des OS de suspension…)

– Lorsqu’il est démontré que le maître d’ouvrage aurait abandonné ou modifié le projet s’il avait connu l’ampleur des travaux supplémentaires, pour tout le surcoût

– Dans les marchés unitaires, pour le montant des indemnités en augmentation/diminution des travaux, ou en changement dans les natures d’ouvrages.

Zéro artificialisation nette : précisions et ambiguïtés

L’essentiel :
La loi du 20 juillet 2023 visant à la faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation et une réponse ministérielle du 14 septembre 2023 viennent « préciser » les modalités d’application de la ZAN.

Le Gouvernement annonçait, pour adoucir les effets de la zéro artificialisation nette, en particulier en zone rurale, la mise en œuvre d’un dispositif de garantie universelle, permettant à chaque Commune dotée d’un PLU de consommer un hectare de surface naturelle ou agricole.

L’article 4 de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 est venu transposer cette promesse : pour peu que la Commune soit dotée d’un PLU ou d’une carte communale simplement prescrit avant le 22 août 2026, la déclinaison des objectifs du SCOT ne peut la priver « d’une surface minimale de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers » qui est fixée pour une période de dix ans à un hectare.

Cette surface peut être mutualisée à l’échelon intercommunal à la demande du maire après avis de la conférence de maires de l’EPCI compétent.

Le texte demeure toutefois ambigu sur ce qu’il faut entendre par « consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers ».

Cette consommation concerne-t-elle uniquement l’étalement en extension de l’espace urbain ou doit-on également prendre en compte les dents creuses non artificialisées ?

En l’état, il convient de déduire de la généralité des termes employés, qui ne distinguent pas entre extension et densification, le fait que l’artificialisation de dents creuses sera déduite de la garantie universelle…

Une réponse ministérielle vient par ailleurs compliquer plus encore la tâche des collectivités (Rep. Min . n° 05256, JOAN 14/09/2023 p. 5391).

Celle-ci, qui concerne le décompte des stations d’épuration dans les espaces artificialisés, est transposable à tous les équipements collectifs d’intérêt communautaire ou supra-communautaire.
Le gouvernement indique que de tels projets ne sont pas qualifiables d’ « intérêt général majeur » de telle sorte qu’ils doivent être décomptés comme artificialisation au niveau local.

In fine, le gouvernement précise qu’il appartient le cas échéant aux collectivités confrontées à la difficulté de piocher dans leur garantie universelle d’un hectare pour la réalisation d’un tel projet.

Ce qui est donné d’une main est repris de l’autre.

Fonds de soutien du périscolaire : liquidation avant fermeture définitive

L’essentiel :

Le Gouvernement est revenu, temporairement, sur la diminution des dotations du fonds de soutien au développement des activités périscolaires.
 
Un arrêté du 20 septembre 2023 était venu, pour l’année scolaire 2023-2024, porter à 25 € le montant forfaitaire de l’aide au développement au périscolaire, auparavant fixé à 50 €.
 
La mobilisation des élus locaux a conduit le Gouvernement à retirer l’arrêté, remplacé le 26 octobre dernier par un arrêté rétablissant le montant de 50 €.
 

Reste toutefois que le fonds est en instance de suppression : le projet de loi de finances 2024 dans sa version initiale prévoit sa suppression pure et simple à la prochaine rentrée, et seul un amendement repoussant sa suppression à la rentrée 2025 a pu être adopté.

Condamnation pénale d’un agent : pas d’obligation de transparence

L’essentiel :
Le Conseil d’Etat juge qu’il ne peut être reproché à un agent de ne pas avertir l’autorité territoriale d’une condamnation pénale subie.

L’obligation de probité des agents publics n’est pas infinie et, notamment, il ne peut leur être reproché de ne pas s’autoincriminer.

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat (CE 3 février 2023, n° 441867), qui indique qu’aucune obligation légale ou réglementaire n’impose à un fonctionnaire d’informer son autorité hiérarchique actuelle ou future (en cas de mutation) d’une condamnation pénale subie.

Le fait que cette condamnation ait été prononcée pour des faits commis dans le cadre des fonctions n’a pas d’incidence, par ailleurs.

Publication conçue et réalisée par la SCP IOCHUM GUISO, Société civile profession- nelle d’Avocats—2, Place Raymond Mondon—57000 METZ.

Directeur de Publication ; Maître Vincent GUISO

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