Lettre du Cabinet d’Avocat – Juillet / Août 2023

Madame, Monsieur le Président,
Madame, Monsieur le Maire,

 
En cette rentrée de mi-mandat, s’annonce la concrétisation des projets lancés en 2020, s’ils n’ont pas été bousculés par l’actualité qui s’est, sans cesse, échinée à rebattre les cartes des budgets des collectivités.
 

Pour autant, les élus et agents gardent le coeur à l’ouvrage, et ainsi du Cabinet.

 
Nous vous souhaitons une bonne lecture.

 

Fonds vert : feu vert pour les rénovation, feu rouge pour les bâtiments neufs

L’essentiel :

Une réponse ministérielle vient fixer la doctrine de l’Etat quant à l’attribution du fonds vert dans le cadre des projets de diminution de consommation énergétique.
 

L’un des axes du fonds vert tend au renforcement de la performance environnementale des bâtiments.

 
La circulaire du 14 décembre 2022 présidant à la création du fonds prévoyait la possibilité de subventionner la « rénovation énergétique des bâtiments publics locaux de manière à générer au moins 40 % d’économies d’énergie par rapport à 2010 ».
 
Interrogé à l’Assemblée Nationale sur la possibilité de mobiliser le fonds à l’occasion de travaux de démolition / reconstruction générant des économies d’énergie équivalente, le Ministre chargé des collectivités territoriales et de la ruralité a figé la doctrine déjà déployée par les Préfets (Rep. Min. n° 5692, JOAN 02/05/2023).
 
Le fonds vert ne peut ainsi être mobilisé que pour les projets de rénovation, de bâtiments existants, au motif que le bilan carbone d’une démoltion  / reconstruction est plus élevé que celui d’une simple rénovation et contrevient in fine aux objectifs du fonds.
 
La réponse ministérielle réserve toutefois l’hypothèse des « opérations immobilières de rénovation lourde », qui sont décrites comme relevant de travaux sur des bâtiments existants, ouvrant dès lors la porte à une mobilisation du fonds.

 

Police des déchets :
une large appréhension par le Conseil d’Etat de la notion de déchets

L’essentiel :
La définition de déchets au sens de la police prévue par l’article L541-3 est précisée par le Conseil d’Etat dans le sens d’une plus grande effectivité.

L’article L541-3 du code de l’environnement prévoit un pouvoir de police en matière de déchets,  qui a été récemment renforcé (loi n° 2020-105 du 10 février 2020) et permet au Maire, après le respect d’une procédure contradictoire, de prononcer une amende administrative, d’enjoindre au retrait ou au traitement des déchets et, in fine, de prononcer une astreinte et/ou de procéder aux travaux d’office aux frais de la personne mise en cause.

La question qui se posait dernièrement tenait à la qualification de déchet, l’article L541-1-1 du code de l’environnement définissant ceux-ci comme « toute substance ou tout objet […] dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

De nombreux mis en cause affirment ne pas avoir eu la volonté de se défaire des objets déposés sur leurs parcelles, malgré les conditions de conservation, ce qui posait des difficultés.

Par un arrêt du 23 juin 2023 (CE 24 juin 2023, n° 457040), le Conseil d’Etat précise :
« Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait […] lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet. »
C’est ainsi bien plus clair.

Violences urbaines : le point sur l’indemnisation

L’essentiel :
Pour les collectivités qui ont souffert des violences urbaines, la question de l’indemnisation se pose nécessairement.

Suite aux violences urbaines, le Gouvernement s’est empressé de se faire délivrer une habilitation d’avoir à prendre une ordonnance édictant les dispositions utiles pour accélérer la reconstruction des ouvrages publics dégradés.

Le préalable nécessaire, à savoir le financement, n’a toutefois pas été évoqué.

En pratique, la question de l’indemnisation des violences urbaines répond à un certain nombre d’hypothèses : la collectivité est-elle assurée ou en auto-assurance sur les biens dégradés ? La police d’assurance couvre-t-elle les désordres en cause ? La garantie de l’Etat est-elle mobilisable ?

Sur la couverture assurantielle :

La couverture assurantielle des dommages causés suite aux violences urbaines n’est pas de principe, même si la Collectivité est couverte par une garantie « incendie » ou « dégradation » sur ses ouvrages et véhicules.

L’article L121-8 du code des assurances prévoit en effet que, par principe, les assureurs de biens ne répondent pas des « des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par des émeutes ou par des mouvements populaires. ».
Cette clause d’exclusion de garantie est presque systématiquement reportée dans les conditions générales des assurances.

Seule une clause ou une garantie optionnelle garantissant les émeutes et mouvements populaires permet ainsi de mobiliser la couverture assurantielle.

En pratique, si le contrat est silencieux sur ce point, la garantie est exclue; si, en revanche, il existe une clause expresse affirmant la prise en charge de ces dommages, l’assurance peut être mobilisée.

Sur la garantie de l’Etat :

Si la garantie est exclue, si la collectivité est en auto-assurance, toute prise en charge n’est pas pour autant exclue.

Il en est de même, si la collectivité n’a été indemnisée que partiellement par son assureur.

L’Etat est en effet responsable, aux termes de l’article L211-10 du code de la sécurité intérieure, « des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. ».

La définition des « attroupements » et « rassemblement » a été affinée à la suite des émeutes de 2005.

En l’état, sont garantis (conditions cumulatives) :

– Les violences présentant le caractère d’un fait collectif (sont donc exclus les dommages causés par des individus isolés )
– Les violences commises dans le cadre d’un regroupement spontané, étant entendu que cette spontanéité est entendue largement.

— Ainsi, par exemple, le fait que des émeutiers aient pu dans un temps très proche de la mort de deux adolescents,  communiquer entre eux en amont des violence et s’organiser en groupes mobiles armés ne fait pas échec à la garantie de l’Etat (CE 30 décembre 2016, n° 386536)

— A contrario, l’action préméditée intervenue une semaine après ces décès n’est pas garantie (CE 25 juin 2008, n° 308856)

En pratique, après chiffrage précis des désordres par voie de devis (même si les désordres ont été repris en régie) et établissement de la preuve du lien de causalité entre les émeutes et les désordres, il convient d’adresser au Préfet compétent une demande indemnitaire préalable.

Le cas échéant, le rejet implicite (à deux mois) ou explicite, devra faire l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif.

Desserte par les réseaux et urbanisme : le point

L’essentiel :

Le contrôle de la possibilité de raccordement aux réseaux relève de l’autorité chargée de la délivrance des autorisations d’urbanisme.

Le sujet étant régulièrement litigieux, un récent arrêt de la CAA de Toulouse est l’occasion de faire le point.

L’article L111-11 du code de l’urbanisme prévoit que les autorisations d’urbanisme doivent être refusées lorsque des travaux d’extension ou de renforcement de la capacité des réseaux essentiels (eau, assainissement, électricité) sont nécessaire au raccordement du projet.

En pratique, les questions suivantes se posent.

A. Dans quel cadre l’autorité délivrant les autorisations d’urbanisme est-elle tenue de refuser l’autorisation ?

En premier lieu, la disposition est opposable aux permis de construire, permis d’aménager, déclarations préalables et, point sensible, aux certificats d’urbanisme

En second lieu, le refus est opposable dans les cas suivants :

· Dès lors que le PLU impose le raccordement aux réseaux d’eau, d’assainissement et d’électricité dans la zone concernée.

· Dès lors, pour l’assainissement, que la parcelle concernées est classée en zone d’assainissement collectif.

· Dès lors, pour l’eau potable et l’électricité, que la nature du projet l’impose, même si le PLU ne l’impose pas expressément ou en l’absence de PLU.

· Quelle que soit la raison pour laquelle les extensions et renforcements sont nécessaire et même en cas de carence de l’autorité qui a compétence

En revanche, le refus n’est pas opposable dans les cas suivants :

· Mise en œuvre du droit à la reconstruction à l’identique (CAA Marseille 7 mai 2010, n° 08MA01778)

· Mise en œuvre d’un permis modificatif ne modifiant pas les besoins en eau, assainissement ou électricité (CAA Marseille 17 octobre 2013, n° 12MA02696)

· Lorsque les réseaux électrique ou d’eau potable (mais pas d’assainissement) n’existent pas à date, mais sont réalisables, à condition que l’extension nécessaire soit d’une longueur inférieure à 100 mètres, que le concessionnaire du réseau d’eau potable / d’électricité accepte la mise en œuvre des travaux d’extension et que le pétitionnaire accepte le financement de ces travaux (L332-15 c. urbanisme).

A. Quid des travaux prévus mais non encore réalisés ?

L’autorité en charge de la délivrance des permis doit interroger les concessionnaires de réseau.

Si des travaux sont prévus, le permis peut être délivré à la condition sine qua none que le concessionnaire indique le délai et les conditions de réalisation de l’extension ou renforcement nécessaire, ou qu’en l’absence de délai clairement exprimé, les travaux puissent être tenus pour imminents, ceux-ci étant votés, arrêtés dans leurs modalités essentiels, financés et ayant débuté en phase maîtrise d’œuvre (CE 21 juin 1985, n° 35092).

Il convient à cet égard de solliciter des avis précis de la part des concessionnaires, un refus d’autorisation ne pouvant être justifié par l’éventualité qu’un raccordement soit nécessaire ; c’est l’enseignement de l’arrêt récent du Conseil d’Etat (CAA Toulouse, 21 février 2023, n° 20TL03186).

A. Quid de la responsabilité de l’autorité délivrant l’autorisation

La délivrance d’une autorisation en méconnaissance des dispositions supra engage la responsabilité de l’autorité pour le préjudice résultant de l’impossibilité de raccordement effectif. Cette responsabilité sera partagée, généralement par moitié, avec la responsabilité du pétitionnaire qui devait s’assurer de la possibilité de raccorder l’ouvrage projeté (CAA Nantes, 9 juin 1993, n° 91NT00839).

Il est donc essentiel d’interroger précisément les concessionnaires

Publication conçue et réalisée par la SCP IOCHUM GUISO, Société civile profession- nelle d’Avocats—2, Place Raymond Mondon—57000 METZ.

Directeur de Publication ; Maître Vincent GUISO

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *