Madame, Monsieur le Président,
Loi reconstruction : des mesures d’application décevantes
L’essentiel :
A la suite des émeutes de juin-juillet dernier, le Gouvernement s’était empressé de faire voter la loi dite « reconstruction » n° 2023-656 du 25 juillet 2023 qui portait habilitation à prendre trois ordonnances :
– L’une permettant, sur le plan urbanistique, d’accélérer l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme
– L’autre permettant de simplifier le recours aux marchés publics pour les opérations de reconstruction
Il est par ailleurs permis aux collectivités, sous réserve de ne pas modifier la destination du bâtiment, de modifier l’existant dans la limite de 5% du gabarit initial, voire au-delà si la modification est motivée par un objectif d’amélioration de la performance énergétique ou par une mise aux normes accessibilité sécurité.
La nécessité de procéder à une publicité est supprimée pour les travaux strictement nécessaire à la reconstruction et à la réfection dont la valeur estimée est inférieure à 1 500 000 € ainsi que pour les lots inférieurs à 1 000 000 € à la condition que le montant total des lots en cause n’excède pas 20 % du montant total de l’opération.
Information des agents sur les règles essentielles de leurs fonctions
L’essentiel :
Un décret du 30 août 2023 applicable dès le surlendemain impose aux collectivité d’informer les agents territoriaux des informations et règles essentielles de leurs fonctions.
En transposition (presque) tardive d’une directive européenne, le décret n° 2023-845 du 30 août 2023 vient imposer aux collectivités d’informer tous les agents nouvellement recrutés (ou mutés), titulaires ou contractuels, sur un certain nombre d’informations relatives à leur fonction.
Cette obligation s’applique aussi, à leur demande expresse, à tous les agent recrutés antérieurement au 1er septembre 2023.
Les informations concernées, dont on se dispensera de la reprise exhaustive, sont listées à l’article 2 du décret.
Tout au plus est-il utile de rappeler que la communication doit intervenir dans les sept jours de la prise de fonction, du changement de situation de l’agent ou de la demande de communication, par des écrits remis en mains propres ou adressés par LRAR.
Un arrêté du 30 août 2023 (NOR : TFPF2314927A) vient faciliter la tâche des collectivités par la création d’un modèle de document d’information pour les titulaires.
Pour ce qui concerne les contractuels, l’article 7 du décret précise les éléments à intégrer dans les contrats afin de respecter l’obligation.
Marchés publics successifs ayant le même objet : attention à bien résilier
L’essentiel :
Le cas de figure est connu : un titulaire de marché est défaillant et, pour ne pas retarder la mise en œuvre d’une opération, la collectivité passe immédiatement un nouveau marché en différant la résiliation du marché en cours.
Action en démolition d’un ouvrage public : pas de prescription acquisitive ou extinctive
L’essentiel :
Le Conseil d’Etat vient préciser que l’action en démolition d’un ouvrage public irrégulièrement implanté est imprescriptible.
La question des ouvrages publics mal implantés est particulièrement problématique, a fortiori s’agissant des ouvrages souterrains pour lesquels la tolérance des administrés laisse place, cette dernière décennie, à une position très revendicatrice.
Le cas qu’a eu à juger le Conseil d’Etat ne concernait pas un ouvrage souterrain mais un ouvrage aérien, parfaitement visible, appartenant à ENEDIS.
Les requérants qui subissaient la présence d’un pylone sur leur terrain depuis plus de trente ans, saisissaient le juge administratif d’une demande en démolition.
ENEDIS faisait pour sa part valoir la prescription trentenaire.
La réponse du Conseil d’Etat (CE 27 septembre 2023 n° 466321) est limpide : « Compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions [art. 2227 du code civil] ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. ».
Pour autant, la position des maîtres d’ouvrage publics reste enviable : la démolition est loin d’être automatique, celle-ci ne devant pas porter une atteinte excessive à l’intérêt général, selon une solution maintenant constante.
Dans le cas d’espèce, quoi que la ligne électrique et le pylône soient situés à quatre mètres de l’habitation des requérants, le Conseil d’Etat relève que le coût de l’enfouissement était trop élevé pour envisager une régularisation.
Le dispositif jurisprudentiel confine donc à une expropriation a posteriori, et c’est certainement la raison pour laquelle le Conseil d’Etat refuse de poser de nouvelles barrières à l’action.
Travaux supplémentaires : la garantie du maître d’oeuvre
L’essentiel :
La Cour administrative de Toulouse vient préciser les règles applicables à l’action du maître d’ouvrage public confronté à des travaux supplémentaires contre le maître d’œuvre négligent .
Si la fixation de l’enveloppe budgétaire prévisionnelle de l’opération relève de la compétence du maître d’ouvrage, celle-ci est affinée à la faveur de l’intervention du maître d’œuvre en phase AVP et PRO, en même temps que l’intéressé définit précisément le programme et les modalités techniques de réalisation des travaux.
Lorsque cette définition est défaillante, il est régulier que les entreprises de travaux sollicitent du maître d’ouvrage l’indemnisation de travaux supplémentaires, c’est-à-dire de travaux qui n’étaient pas prévisibles à la date de signature du marché et qui sont nécessaires à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.
Il en est de même lorsque les quantités indiquées dans un marché unitaire sont erronées.
S’il n’est pas possible pour le maître d’ouvrage de contester le droit à créance des entrepreneurs concernés, il est admis de longue date que le maître d’ouvrage puisse se retourner contre le maître d’œuvre négligent.
Dans un arrêt du 27 juin 2023 de la Cour administrative d’appel de Toulouse (CAA Toulouse, 27 juin 2023, n° 20TL02719), le juge administratif rappelle les cas de figure précis où cette action peut être mise en œuvre et l’assiette de celle-ci :
– Lorsque la négligence du maître d’œuvre a conduit à ce qu’il soit nécessaire d’adapter le programme en cours de chantier, pour le seul surcoût induit par le bouleversement du chantier (nécessité de démolition partielle, conséquences des OS de suspension…)
– Lorsqu’il est démontré que le maître d’ouvrage aurait abandonné ou modifié le projet s’il avait connu l’ampleur des travaux supplémentaires, pour tout le surcoût
– Dans les marchés unitaires, pour le montant des indemnités en augmentation/diminution des travaux, ou en changement dans les natures d’ouvrages.
Zéro artificialisation nette : précisions et ambiguïtés
Celle-ci, qui concerne le décompte des stations d’épuration dans les espaces artificialisés, est transposable à tous les équipements collectifs d’intérêt communautaire ou supra-communautaire.
Fonds de soutien du périscolaire : liquidation avant fermeture définitive
L’essentiel :
Reste toutefois que le fonds est en instance de suppression : le projet de loi de finances 2024 dans sa version initiale prévoit sa suppression pure et simple à la prochaine rentrée, et seul un amendement repoussant sa suppression à la rentrée 2025 a pu être adopté.
Condamnation pénale d’un agent : pas d’obligation de transparence
Le Conseil d’Etat juge qu’il ne peut être reproché à un agent de ne pas avertir l’autorité territoriale d’une condamnation pénale subie.
L’obligation de probité des agents publics n’est pas infinie et, notamment, il ne peut leur être reproché de ne pas s’autoincriminer.
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat (CE 3 février 2023, n° 441867), qui indique qu’aucune obligation légale ou réglementaire n’impose à un fonctionnaire d’informer son autorité hiérarchique actuelle ou future (en cas de mutation) d’une condamnation pénale subie.
Le fait que cette condamnation ait été prononcée pour des faits commis dans le cadre des fonctions n’a pas d’incidence, par ailleurs.
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